Le mois d’avril est presque là ! On termine celui de mars avec une interview de Madeleine Herold, Character Artist chez Gearbox Studio Quebec. De la façon dont elle a trouvé sa voie aux difficultés rencontrées en tant qu’artiste, elle partage avec nous ce qui la préoccupe au quotidien.
J’ai rencontré Madeleine une unique fois, alors que je « fêtais » mon dernier jour de travail avec quelques collègues dans un bar parisien. On n’avait pas eu beaucoup de temps pour discuter à l’époque, mais j’avais entendu parler d’elle et je savais qu’elle était très talentueuse. Je suis très heureuse d’avoir la chance d’en apprendre plus sur elle aujourd’hui grâce à cette interview !
Contente de t’accueillir, Madeleine ! Pourrais-tu te présenter à nos lecteurs ?
Merci de m’avoir contactée ! Je m’appelle Madeleine, j’ai commencé à travailler professionnellement en tant que 3D Character Artist juste après l’école en 2017. Je vivais à Paris à l’époque et j’ai travaillé à distance pour Keos Masons ainsi que d’autres petits studios jusqu’en 2021 lorsque j’ai rejoint Gearbox Québec. Quelques mois plus tard, j’ai déménagé là-bas.
Comment s’est déroulé ton parcours dans l’industrie jusqu’à aujourd’hui ?
Je pense que j’ai eu beaucoup de chance avec mon premier emploi, chez Keos on m’a tout de suite confié des tâches liées à Borderlands 3. Il a été difficile de plonger dans le monde réel presque sans transition (de l’école au jeu AAA), mais on ne peut pas nier que le fait d’avoir rapidement un portfolio solide m’a ouvert des portes.
Cela dit, il n’a pas été facile de trouver un autre emploi lorsque j’ai voulu quitter Keos. J’en avais surtout assez de travailler à distance, et beaucoup des entreprises auxquelles j’ai postulé se trouvaient à l’étranger, et je suppose (probablement parmi d’autres raisons bien sûr) qu’elles ont refusé parce que l’obtention d’un visa est coûteuse. Dans l’ensemble, je pense qu’avec un travail acharné et un peu de chance, j’ai eu un parcours assez incroyable jusqu’à présent et j’en suis très heureuse.
Johanna : Les formalités administratives liées aux visas sont un obstacle certain, ce qui rend difficile le fait de déménager à l’autre bout du monde. Néanmoins, c’est cool de voir que tu as réussi à déménager au Canada et que tu as fini par obtenir cet emploi là-bas !

Comment en es-tu arrivée à travailler en tant que 3D Character Artist ? As-tu toujours été intéressée par la 3D lorsque tu étais plus jeune ?
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été fascinée par les jeux vidéo. Je n’avais aucune idée de ce qu’était la 3D et, à l’âge de 12 ou 13 ans, j’ai décidé que j’intégrerai l’industrie en tant que Character Designer. À 17 ans, j’ai commencé à étudier dans une école d’art du jeu vidéo et j’ai malheureusement découvert que des tonnes de personnes déjà qualifiées et bien plus travailleuses que moi avaient le même rêve, et j’ai pensé qu’il me serait impossible de réussir, tout du moins en 2D.
Johanna : Il est clair que la concurrence est rude dans tous les domaines de la création. Je suppose que le fait de présenter des projets, même modestes, peut attirer l’attention des entreprises, même si tu étais encore jeune à l’époque. C’est la raison pour laquelle j’admire tant les artistes. Il faut des années pour façonner son propre style et montrer sa personnalité à travers ses créations.
Je me suis alors concentrée sur la 3D, je pensais que créer des accessoires et pourquoi pas des environnements, si j’avais de la chance, ça ferait une belle carrière. Les personnages me semblaient encore hors de portée. 2 ans avant de terminer ma maîtrise (sur 6 ans d’études !), Marco Plouffe est venu à l’école et nous a enseigné l’art des personnages en 3D. Il a semblé apprécier mon travail et m’a encouragée à en faire plus. J’étais sidérée (j’adore ce mot) et je n’ai jamais cessé de créer des personnages. Cela a rapidement porté ses fruits puisque son entreprise m’a embauchée dès que j’ai terminé l’école, deux ans plus tard.

Quels sont les principaux défis auxquels tu es confrontée en créant ?
Jusqu’à présent, les plus grands défis que j’ai dû relever sont ceux que je me suis imposés à moi-même. Confiance en soi, syndrome de l’imposteur, manque de motivation, etc… Sur le plan professionnel, on ne peut pas toujours choisir le concept sur lequel on travaille, et c’est là qu’il est le plus difficile de rester motivée et satisfaite de son travail si on ne l’aime pas vraiment.
D’un point de vue personnel, l’absence d’objectifs et même de délais peut s’avérer délicate. Il m’est difficile de dire qu’un modèle est terminé. Il est également très facile de se lasser du projet que l’on a choisi. Après avoir fait de la 3D tous les jours de la semaine pour le travail, je suis étonnée de voir que les gens ont encore la volonté et l’énergie de créer juste pour le plaisir.
Tu as travaillé sur Borderlands 3 et Fortnite, mais tu as aussi récemment révélé ton travail pour New Tales from the Borderlands. Qu’est-ce que ça fait de voir ses créations dans des jeux aussi emblématiques ?
J’ai du mal à considérer mon travail sur Fortnite comme « le mien » à cause de la minutie dont ils ont fait preuve et de la façon dont chaque petit détail a été repris et peaufiné. Je l’ai fait, oui, mais peut-être pas en tant qu’artiste, si cela fait sens.

J’essaie de rester fière de mon travail sur BL3 en considérant le peu d’expérience et de temps que j’avais, même si sur certains assets, ça se voit un peu, haha. D’un autre côté, mon travail sur New Tales a eu globalement très peu de reprises, l’équipe avec laquelle j’ai travaillé était talentueuse et me faisait confiance, à moi et à mes choix. Cela n’avait pas d’importance si cela ne ressemblait pas exactement au concept, je pouvais même suggérer des modifications ou des idées ; si par exemple je n’avais qu’une vue de face du personnage pour travailler, je pouvais essayer des choses avec l’arrière, et le montrer à le concept artist ou l’art director pour leur approbation sans craindre qu’ils disent non.

Je suis donc fière de ce projet, c’était agréable de travailler dessus, et je peux dire qu’il reflète un peu de ma personnalité contrairement au reste de mon portfolio, à l’exception de mes créations personnelles bien sûr.
Johanna : Pouvoir ajouter un peu de sa personnalité à un concept ça doit être agréable, c’est sûr ! Et créer des jeux, c’est avant tout un travail d’équipe. Partager nos idées permet de définir quelque chose d’unique pour le projet sur lequel on travaille ensemble, et c’est cool de collaborer avec des managers et des entreprises qui comprennent ça.
Y a-t-il des restrictions lorsque tu travailles sur des projets de grande envergure ou as-tu la liberté de créer quelque chose d’unique ?
Oups j’ai déjà répondu à cette question plus haut ! Je rajouterais juste que d’après mon expérience personnelle et d’après ce que j’ai entendu et vu de la part d’autres Character Artists, cela dépend vraiment de l’équipe/l’entreprise/la direction artistique.
Penses-tu qu’il est important d’être passionné.e par les jeux sur lesquels on travaille ?
Je pense que oui, mais un grand nombre de character artists avec lesquels j’ai travaillé professionnellement ne sont pas des personnes qui jouent aux jeux sur lesquels elles travaillent. Je pense donc que cela n’a pas beaucoup d’importance, mais comme j’ai personnellement du mal à me motiver, je dois aimer le projet autant que possible.
Johanna : Je ressens la même chose en tant que Community Manager, je ne sais pas si je serais capable de travailler sur un projet que je n’aime pas vraiment. Pour les jeux, il est clairement utile de connaître son produit et de creuser l’univers autant que possible, sinon on peut facilement se perdre.
Qu’est-ce qui t’inspire au quotidien ?
C’est facile pour moi d’être inspirée, j’aime l’art beau et mignon et il y en a une tonne sur les réseaux sociaux, mais comme je l’ai dit l’art personnel est un vrai problème donc je ne fais pas grand chose avec ces inspirations en ce qui concerne la 3D. J’ai mis mon énergie dans le crochet dernièrement, j’ai l’impression que je fais toujours de jolis personnages en 3D mais avec du fil lol ?
Les jeux indépendants avec des concepts originaux et des directions artistiques sympas sont aussi un bon carburant pour moi ! Comment voir les personnages de Hades et ne pas regretter de ne pas en avoir eu l’idée, ou de ne pas réfléchir aux fanarts possibles ?

As-tu d’autres choses à nous dire ?
Tl;dr l’art c’est cool mais difficile, les gens de Gearbox sont sympas, j’aime le crochet.
Merci beaucoup si vous avez lu jusqu’au bout, bonne chance dans votre parcours ! Merci Johanna pour les questions intéressantes que tu m’as posées. <3

Madeleine Herold – 3D Character Artist
ArtStation / Twitter / Instagram
J’espère que vous avez passé un bon moment en lisant cette interview de Madeleine ! Rester motivé.e et être gentil.le avec soi-même sont des défis que la plupart d’entre nous rencontrent à un moment ou à un autre. N’oubliez pas qu’il est normal d’avoir besoin de soutien de temps en temps et prenez le temps de vous détendre sans être productif.ve.
Je suis très heureuse de ce petit projet de blog et le fait de recevoir des commentaires positifs de la part d’autres personnes talentueuses m’a beaucoup aidée. J’ai hâte de partager d’autres interviews ici avec vous !
