Il n’y a pas de chemin « classique » pour entrer dans l’industrie du jeu vidéo, et Lisa en est un excellent exemple. Suivant son intuition et son amour pour l’art, elle a fini par aiguiser ses talents en modélisation 3D chez Iron Gate Studio tout en travaillant sur leur iconique jeu de survie.
Lisa s’est complètement réorientée vers ce qu’elle voulait faire au départ, et malgré quelques difficultés au début, elle élargit lentement son portfolio avec des projets personnels et professionnels de qualité. Aujourd’hui, elle partage avec nous son parcours atypique et inspirant en tant qu’artiste 3D sur Valheim.
Bonjour Lisa ! Pourrais-tu te présenter pour ceux qui ne te connaissent peut-être pas ?
Mon nom complet est Lisa Kolfjord, je suis née à Oslo, en Norvège, j’ai grandi à Malmö, en Suède, et maintenant je vis et travaille à Skövde (toujours en Suède). J’ai commencé comme Community Manager chez Iron Gate, mais depuis mai 2022 je travaille à plein temps comme artiste 3D. Chez Iron Gate, nous développons le jeu de survie Valheim. Quand je ne travaille pas, je passe du temps avec mon chat et je fais de mon mieux pour garder mes plantes en vie.
Comment s’est déroulé ton parcours dans notre industrie, jusque là où tu en es aujourd’hui ?
Il est difficile de déterminer exactement où le voyage a commencé, mais je choisis l’automne de l’année où j’ai obtenu mon diplôme de fin d’études secondaires, en 2016, et sur une impulsion, je me suis rendue à une conférence sur les jeux à Skövde. J’ai vu sur Twitter que David Gaider, qui était à l’époque scénariste de jeux pour Bioware, allait y faire une conférence, et en tant que grande fan de Dragon Age, j’ai décidé qu’il fallait que je le rencontre, et j’ai commandé les billets. Quelques jours plus tard, je me suis rendue à la conférence et j’ai rencontré un couple d’étudiants de l’université de Skövde qui m’ont présenté la ville et l’école. Il y avait beaucoup de programmes de développement de jeux et j’ai décidé de m’y inscrire. J’ai été acceptée dans leur programme d’animation, et c’est à cette époque que mon intérêt pour la modélisation 3D s’est développé.
Pendant ma dernière année d’université, deux amis et moi avons postulé à un programme d’incubation disponible à Skövde, où l’on aidait les entreprises de jeux à se lancer. Nous voulions créer un jeu point-and-click plein de mystère à la Nancy Drew pour mobile. L’un de nos amis et moi-même avons même rédigé notre projet de thèse sur ce thème. Lorsque nous avons obtenu notre diplôme (2020), j’ai dû trouver un emploi à temps partiel car je ne pouvais plus compter sur les prêts étudiants. J’ai surtout postulé pour des emplois dans le domaine du service à la clientèle, mais mon partenaire a découvert qu’Iron Gate recherchait un community manager à temps partiel. Je n’avais pas vraiment envisagé de faire ce métier auparavant mais j’ai postulé, j’ai passé un entretien et on m’a proposé un poste de community manager à 50 % et d’artiste 3D à 50 %. Accepter l’offre signifiait que je devais quitter le programme d’incubation, mais je ne voulais pas laisser passer cette chance.
J’ai effectué les rôles de community manager et d’artiste 3D pendant un peu plus d’un an et demi avant de demander à passer à la 3D à plein temps. Même si j’aimais beaucoup le community management (interagir avec la communauté, voir à quel point notre base de joueurs est créative et être là à chaque fois que nous publions des annonces), je sentais que c’était dans l’art que se trouvait ma passion.
Johanna : C’est vraiment cool de voir quelqu’un avoir cette double expérience, d’autant plus qu’être artiste peut s’avérer utile pour les publications sur les réseaux sociaux ! J’ai l’impression que c’est la raison pour laquelle le fait de savoir ce que fait ton équipe peut également générer beaucoup d’idées, car tu sais ce qui peut être créé à des fins de communication.
Je fais de l’art à plein temps depuis près d’un an maintenant, et je suis très heureuse de ce que j’ai accompli !
Qu’est-ce qui t’a attiré dans le community management et la 3D ?
J’ai toujours aimé peindre et dessiner. Quand j’étais enfant, je rêvais depuis longtemps de devenir artiste quand je serais grande, et de vivre sur la plage où je vendrais mes peintures et mes coquillages. Ce n’est qu’au lycée que j’ai vraiment pensé à la possibilité de travailler dans les jeux, et même plus tard que j’ai envisagé de devenir artiste dans ce secteur.
Johanna : Vendre des peintures et des coquillages sur la plage ! On dirait un petit jeu cozy.
Lorsque je me suis inscrite à l’université, il y avait trois programmes, l’art 2D, l’art 3D et l’animation. Je n’étais pas vraiment sûre de ce que je voulais faire, alors je me suis inscrite au programme d’animation. Pendant cette période, j’ai commencé à m’intéresser de plus en plus à la 3D, et c’est ce que je fais depuis que j’ai obtenu mon diplôme.
Il est difficile de dire exactement ce qui m’a attiré dans la 3D. Je pense qu’au début, je trouvais simplement génial qu’il soit possible de faire de l’art qui puisse être vu dans toutes les directions, et maintenant j’apprécie vraiment la polyvalence de cette technique. C’est un mélange parfait de créativité et de résolution de problèmes, avec la modélisation, la retopologisation, le texturage, etc.
La gestion de communauté est un travail que je n’avais jamais envisagé, mais que j’ai eu la chance d’essayer. C’était un travail très créatif, j’ai fait beaucoup de vidéos et de posts un peu drôles pour les réseaux sociaux, et comme la construction de bases est l’une des mécaniques les plus importantes de Valheim, ça a été un très bon exutoire pour ma créativité. Avant Iron Gate, j’avais occupé différents postes dans le service clientèle, et l’interaction avec les clients était quelque chose qui me plaisait beaucoup. J’ai toujours aimé plaisanter avec les gens et les aider, et c’était une grande partie du rôle de community manager. C’était très amusant, difficile et une formidable expérience d’apprentissage ! Ma reconnaissance envers tous les community managers est si grande qu’elle ne peut être mesurée.
Comment s’est passée la transition lorsque tu as décidé de te concentrer sur la 3D ? As-tu appris par toi-même ?
Je pense que la 3D m’est venue plus naturellement que l’animation, donc je n’ai jamais vraiment pensé qu’il s’agissait d’une transition. Nous avons eu un cours d’introduction à la 3D dans Maya pendant notre première année d’université, donc à part cela, je dirais que je suis essentiellement autodidacte. C’est au cours de ma troisième année que j’ai commencé à expérimenter avec Blender et à regarder de nombreux tutoriels sur la modélisation 3D sur YouTube. J’ai trouvé mon emploi à Iron Gate assez tôt pendant ma phase d’apprentissage, donc le fait de devoir travailler avec la 3D et de créer tous les jours m’a définitivement aidé.
La transition entre la gestion de la communauté et l’art puis l’art uniquement a été un peu plus simple. J’étais la seule community manager à la sortie de Valheim, et la communauté s’est énormément développée du jour au lendemain, c’est rapidement devenu un peu trop lourds pour une seule personne, si bien que deux autres community managers ont rejoint l’équipe, Jens Hellström et Josefin Berntsson. Au fil du temps, ils ont pris en charge une plus grande partie de la gestion de la communauté, tandis que j’avais plus de temps à consacrer à mon rôle d’artiste 3D.
Quels sont les principaux défis auxquels tu es actuellement confrontée, mais aussi les moments les plus excitants ?
L’un des défis auxquels je suis toujours confrontée est de continuer à m’améliorer et à développer mes compétences. Il m’est facile de me sentir pas à ma place lorsque je vois toutes les œuvres extraordinaires créées par d’autres, mais je retrouve un sentiment de confiance en comparant mes anciens projets à mes nouveaux. Il est généralement acceptable de se mesurer à soi-même, et la Lisa d’aujourd’hui s’est définitivement améliorée par rapport à la Lisa de l’année dernière, et je dirais que c’est aussi ce qu’il y a de plus excitant ! J’adore me lancer dans de nouveaux projets personnels et aller un peu plus loin que la fois d’avant.
Johanna : Je suis heureuse de lire que tu évites de te comparer aux autres. J’ai l’impression que c’est un piège auquel il est difficile d’échapper au bout d’un certain temps, surtout dans le domaine de l’art où des tonnes d’artistes talentueux partagent leur travail chaque jour. Réfléchir à la façon dont TU t’es améliorée est la meilleure façon de faire !
Je suis également très enthousiaste à propos de mon travail chez Iron Gate. Nous avons une mise à jour en préparation pour laquelle j’ai eu l’occasion de créer de nombreux modèles 3D (y compris un tas de vêtements et de chapeaux vikings !), alors j’ai vraiment hâte qu’elle sorte. Nous travaillons également sur un nouveau biome, et j’ai l’occasion d’essayer de créer beaucoup de choses que je n’ai jamais faites auparavant, ce qui est très amusant au quotidien !
Qu’est-ce qui te pousse à rester créative lorsque tu crées ?
Cela dépend vraiment ! À certaines périodes, ma créativité ressemble à un puits infini qui ne s’assèchera jamais, puis soudain, c’est le cas, et il en sera ainsi pendant un certain temps jusqu’à ce qu’il se remplisse à nouveau. Je trouve qu’il est utile d’avoir toujours un projet en cours, car j’ai toujours une certaine motivation pour atteindre le résultat final. Souvent, il est également utile de prendre un peu de recul, que ce soit pour quelques heures ou même quelques jours, afin de pouvoir observer notre travail sous un œil nouveau.
Consommer l’art d’autres personnes aide aussi ! Je suis très inspirée par les jeux, les films et les séries télévisées mignons et cozy, comme par exemple Star Stable Online, Stardew Valley et les films Ghibli.
Y a-t-il des projets sur lesquels tu as été fière de travailler ?
Dans notre dernière mise à jour pour Valheim, j’ai pu créer quelques coiffures et barbes supplémentaires pour la création de personnages. Nous en avions déjà beaucoup, mais la gamme n’était pas très étendue. J’ai ajouté de nouvelles coiffures et textures de cheveux, y compris des boucles, des afros et différents types de coiffures tressées, et j’espère en ajouter encore plus à l’avenir, car nous avons de la place pour ça. En ce qui concerne les cheveux, mon collègue Jonathan Smårs et moi-même avons récemment coopéré pour faire en sorte que les coiffures soient visibles lorsque l’on porte un casque, c’est un petit détail mais j’en suis fière et c’est une mise à jour que j’ai hâte de rendre publique.
Johanna : Il n’y a pas de petites choses dans les jeux, je suis sûre que la communauté est plus qu’heureuse de pouvoir obtenir cette nouvelle gamme de coiffures et d’avoir ces petits détails en jouant !
En ce qui concerne les projets personnels, l’année dernière (2022), j’ai eu l’occasion de m’inscrire au cours d’Ashleigh Warner de l’ACGM sur les éléments stylisés des jeux, et l’une des pièces que j’ai réalisées dans le cadre de ce cours est probablement celle que je préfère encore aujourd’hui. Elle a été inspirée par de petites maisons médiévales que l’on peut trouver dans un parc, Brekkeparken, en Norvège. Mon père et moi avons visité ce parc de nombreuses fois ensemble, et lorsque nous avons été chargés de créer une petite scène, j’ai su que je voulais m’inspirer de ces souvenirs. Cela faisait longtemps que je n’avais pas travaillé sur de telles textures. L’herbe a été un grand défi mais je suis vraiment contente du résultat !
Très récemment, j’ai travaillé sur la refonte d’un personnage de sorcière que j’ai créé il y a quelques années, en 2020 je crois ? C’est le premier personnage que j’ai créé et je me souviens avoir été très satisfaite du résultat final. J’aime bien retourner sur de vieilles œuvres parce que les améliorations sautent tout de suite à l’œil, et cette fois-ci n’a pas fait exception ! (J’aime toujours autant l’ancienne sorcière, elle a un certain charme).
As-tu autre chose à partager avec nos lecteurs ?
Je crois fermement qu’il y a une place pour tout le monde dans ce secteur, et qu’il y a autant de voies d’accès qu’il y a de personnes travaillant dans les jeux vidéo ! Il se peut que l’on doive emprunter des chemins inattendus pour atteindre sa destination, mais cela ne veut pas dire qu’elle est inaccessible. J’ai eu la chance de mettre un pied dans le milieu peu de temps après avoir obtenu mon diplôme, mais je ne l’aurais pas fait si je n’avais pas saisi l’occasion de travailler dans le community management, et bien que j’aie maintenant complètement changé pour ne faire que de l’art, je ne regrette pas un seul jour avoir pris cette route !
Merci beaucoup pour l’interview !
Lisa Kolfjord – 3D Artist
Artstation / Twitter
Lisa est une personne que je suis réellement heureuse d’avoir rencontrée par hasard sur Twitter. N’oubliez pas que la vie est toujours pleine de surprises. Vous ne prendrez peut-être pas la route que les autres empruntent, mais vous finirez peut-être par arriver au même endroit, ou du moins à un endroit où vous êtes heureux d’être.
